LES LANGAGES A L’ECOLE
conférences de Jean HEBRARD les 9/02 à Vitrolles et 3/05/2000 à Martigues
(Compte-rendu de Véronique Verdié, CPAIEN)

Le rapport “oral maternelle” et autres rapports sur écoles-collèges-lycées ont amené à un ensemble de réflexions et d’analyses sur l’oral et sur l’écrit. Pour les 15 à 20% d’élèves qui ne savent pas lire, la réponse au problème n’est pas obligatoirement du côté de la lecture. Au début des évaluations CE2, il n’y avait une épreuve que sur la compréhension de la lecture et pas d’épreuve sur la reconnaissance de mots. Dans les séries suivantes, on s’est aperçu que les problèmes de compréhension étaient des problèmes généraux de compréhension (cf “apprendre à lire au cycle 2” chez O.Jacob).

1-LES PROBLEMES DE LECTURE

Ils se divisent en deux:
1- les problèmes de lecture proprement dite (reconnaissance du matériel graphique et l’association à son langage), qui représentent 5 à 6%. Dans ce cas, c’est sur la non- reconnaissance de mots qu’il faudra apprendre à travailler.

2- les problèmes de compréhension alors qu’il y a une bonne reconnaissance de mots (donc pas de problèmes de déchiffrage), qui représentent environs 15%.
L’évaluation du langage oral en CE2 de cette année montre que le langage oral est une réponse directe aux problèmes rencontrés sur la lecture. Les différentiels les plus forts sont sur les enfants de ZEP: 25 à 30% d’échec! Les résultats sur les textes connotés “beaux quartiers” (avec implicite, humour,... comme le texte sur “le conseil municipal” -séquence 2, exercice 8-) ont mis en valeur un grand nombre de problèmes pour les élèves de ZEP.
L’oral serait un problème majeur de “connivence culturelle”. La culture moyenne de l’école n’est pas partagée par tous dans l’école. L’hypothèse est donc que ce n’est pas un problème du côté de la lecture mais du côté du langage oral. Il faut arriver à introduire les enfants dans cette “connivence culturelle”.
Qu’est-ce qui fait que les enfants d’enseignants réussissent? -Depuis qu’ils sont tout petits, on parle à ces enfants, on les fait parler, on leur lit des livres,.... On constitue de la “connivence culturelle” dès le berceau.
Quand on fait entrer cette “connivence culturelle” du côté de la lecture, on double les problèmes et les difficultés.

Il faut donc bien différencier lire et comprendre:
1- Dans le processus de lecture, ce qui caractérise le lecteur adulte, c’est que le lecteur est seul face à l’information véhiculée par un système de codes (alphabétique, de mise en page, de présentation, de typographie,...).
Pour les enfants, au vu des évaluations CE2, on constate qu’ils ne savent pas ce qu’est un album, une phrase, un paragraphe,... Cela pose problème. Les codes de l’écriture sont des codes complexes qu’il faut savoir traiter.

2- Le code écrit ne code qu’une partie de l’information verbale. Une bonne partie ne s’écrit pas (poids de la rhétorique avec accentuations verbales, regards,...). Il faut aussi restituer tout ce qu’il y a derrière. Le code orthographique français n’est pas adapté à la langue d’aujourd’hui alors que la langue a changé. Il faut retrouver la langue d’autrefois dans celle d’aujourd’hui. Aller vers l’oral à partir de l’écrit est difficile (cf “week-end”,...). On peut aussi lire sans rien comprendre même quand on est parfait lecteur (cf traité de physique quantique!). On n’a pas forcément les représentations mentales.
Au CE2, qu’est-ce qu’un conseil municipal peut représenter? Comment se représenter un ensemble de personnes qui vont voter une subvention? Les représentations mentales ne sont pas accessibles à la portée du message. A l’écrit il est très difficile de se représenter quelque chose qu’on ne sait pas.
Au cycle 3, on est très peu armé pour travailler l’oral et c’est un sujet à contre-sens. A travers l’étude des rapports d’inspection, des circulaires, des compte-rendu de formation,... on voit que l’oral est essentiellement assimilé à la communication, ce qui est un contre-sens (les IO de 1971 sont d’ailleurs construites sur ce contre-sens).
L’oral, c’est le dialogue, c’est à dire un échange entre deux personnes, qui va permettre que se constitue un espace d’intercompréhension. (cf Marivaux “la dispute”, où un homme et une femme isolés du monde vont se rencontrer et inventer un code de communication. Ils vont se constituer des représentations échangeables, ils vont se partager une culture et c’est ce à quoi sert le langage).
La faculté du langage est de créer un espace commun, productif d’intercompréhension.
La fonction de l’école est de ramasser en quelques mois la culture de plusieurs siècles, de transmettre tout le bagage de notre civilisation très rapidement, de transmettre le patrimoine sur lequel se fonde une société pour avancer. L’école a transmis ce patrimoine de façon inégale (cf Jules Ferry: Pour les milieux bourgeois qui iront plus tard dans les grandes écoles, on enseigne le latin. Pour les milieux populaires la seule ambition est de faire un enseignement pour assurer la république. C’est seulement à partir de 1958, avec le gaullisme, qu’on anticipera sur le fait que les sociétés futures vont très vite changer, qu’il faudra s’adapter et donc monter le niveau de tous, d’où l’idée du collège unique et l’accès au secondaire pour tous. Mais cela est très difficile!).

2-LE DIALOGUE COMME INSTRUMENT AU SERVICE DE L’ECOLE

Seul l’oral permet de réguler l’intercompréhension. Il faut installer le dialogue didactique: l’échange entre un enseignant qui parle et des enfants qui parlent avec cet adulte; et on reste sur l’élève qui a une mauvaise représentation, qui a donné une mauvaise réponse pour la modifier et en réinstaller une bonne. La lecture silencieuse est un néant pédagogique. C’est un objectif et non un instrument! Le silence dans la classe ne produit rien. Nous avançons parce que nous parlons avec les élèves.

Qu’est-ce qui fonde la vérité dans nos sociétés?
Notre société a constitué un dialogue public dans lequel des hommes acceptent que d’autres soient les garants de la vérité. Nos institutions scientifiques nous permettent avec une certaine chance de valider un certain nombre de choses et c’est la société qui garantit la validation scientifique. Nous devons exiger du scientifique le dialogue pour participer à cet espace d’intercompréhension.
C’est dans cet espace d’intercompréhension que nous allons faire entrer les élèves dans notre civilisation, pour partager un certain nombre de valeurs, connaissances, croyances et finalement un mode de vie. Ce qui est central, c’est qu’on s’entende. Il faut construire cette compréhension avec les élèves, construire l’oral sur toute la scolarité et pas seulement en maternelle. Les apprentissages se font dans l’interlocution dans la classe. L’instrument majeur est le dialogue avec l’enfant qu’il ne faudra pas lâcher avant qu’il ait construit la même représentation que l’enseignant. S’il ne peut pas le faire, c’est un défaut pédagogique: c’est trop loin de lui! Et il ne faut jamais lâcher un enfant quand il est dans l’erreur! Ce qui est un enjeu en instruction civique, c’est qu’on s’entende sur les valeurs et on va devoir constituer un espace de parole pour s’entendre sur les valeurs, sur l’espace public qu’est la classe. Le dialogue va constituer les valeurs, les connaissances, les émotions,... qui guident nos actions.

Comment se fait ce partage des savoirs de notre culture?
Fonction de l’enseignant: ce n’est pas le représentant de la culture, c’est un médiateur entre l’enfant et la culture. Son rôle central est celui de la médiation.
On va aller chercher la culture où elle se trouve, non pas dans la mémoire des ancêtres, mais dans les livres, la musique, le théâtre,... les objets culturels qui nous entourent, la culture capitalisée. Nous sommes sur des objets recodés (le meilleur étant l’écriture).
Médiation: -se substituer aux codes que l’enfant ne maîtrise pas
-permettre à l’enfant de dialoguer avec ce message

L’essentiel du travail de l’oral à l’école c’est lire pour l’enfant et débattre avec lui de ce qu’on a lu (albums, contes, littérature de jeunesse, documentaires,... mais aussi films, morceaux de musique,...). Nous sommes là pour faire de la médiation et non pas pour faire plaisir.
Au cycle 2, il faut réintroduire l’oral pour que les élèves exercent leur compréhension et continuer à travailler dans l’oral aussi longtemps que nécessaire. La lecture n’est encore qu’un apprentissage balbutiant.
Au cycle 3, l’oral est nécessaire pour découvrir tout ce qui est nouveau. L’écrit n’est là que pour appuyer derrière. Au bout il faudra acquérir l’autonomie. Ne pas confondre autonomie et apprentissage! La lecture en cycle 3 de façon autonome n’est pas fiable (certains élèves lisent effectivement, d’autres non!). Il faut nourrir les élèves en permanence par ce dialogue sur la connaissance.

A l’école maternelle, il ne faut pas mélanger deux problèmes: vivre ensemble (=communication) et acquérir le langage

Au départ on a du non-verbal à transformer progressivement en verbal. On y gagne de la civilité en apprenant à se parler plutôt que de s’agresser. Progressivement on va constituer une communauté de parole à la place du conflit et de l’agressivité. Il faut élaborer ce passage complexe. On a un objectif de civilisation. Il faut remplacer ces contacts physiques par des contacts verbaux: parler, se plaindre pour ne pas avoir à échanger des coups, dire ce que l’on veut plutôt que faire ce que l’on veut, dire ce qu’on attend plutôt que prendre. D’où l’importance de la qualité d’accueil pendant les trois à quatre premiers mois de scolarisation où l’on va permettre à l’enfant de se doter du langage.
A l’école maternelle, une des questions centrale est: est-ce que l’unité pédagogique est l’école ou la classe? Ce devrait être l’école. Il faut penser la classe dans l’école, au travers du conseil de cycle. La classe est une vision adulte. Seul l’adulte voit le temps scolaire comme une réitération d’une année. Pour l’enfant, c’est un parcours. On devrait penser l’école maternelle comme un cursus.
Il faut marier le géographique (le nombre de classes, assemblage de pièces) avec l’histoire.
-Le géographique: comment penser ces pièces, comme un groupe de jumeaux d’âge ou comme des fratries d’âges différents? On devrait aller dans le sens de la fratrie, avec tutorat possible. Un autre avantage est que seul un tiers des élèves change chaque année (donc un seul tiers à habituer à la classe) et immédiatement le tutorat se met en place. On sait depuis les années 70, avec Piaget, qu’un enfant de six mois plus âgé qu’un autre modifie son langage quand il s’adresse au plus petit.
Vingt-cinq enfants du même niveau = même niveau linguistique... On ne peut pas apprendre à parler dans ces conditions! C’est une situation écologique ( = naturelle, c’est à dire avec un apprenant entouré d’adultes et d’autres enfants qui savent parler) anormale! Les classes d’âge sont une aberration du point de vue langage et socialisation. C’est le plus mauvais des dispositifs.
-L’histoire: l’enfant passe trois ou quatre ans dans l’école. Il faut organiser l’école maternelle en trajet, en système de communication complexe qui met en jeu des parcours d’enfants avec l’aide de l’adulte, et leur donner du sens.

Parallèlement, l’enfant va devoir gérer son identité dans le groupe. L’émergence du “je” est un processus lent et une vraie construction qui dépend de la qualité de la relation sociale. La socialisation se construit entre deux extrêmes: un groupe trop bien constitué où l’individu n’existe pas, et un groupe où les individus existent sans tenir compte des autres. La question de l’accueil est du côté du poids de la médiation de l’enseignant. Cette vie sociale ne repose pas uniquement sur l’adulte. Il va falloir permettre progressivement une vie sociale de plus en plus autonome. On va passer du “vivre ensemble” à l’éducation citoyenne. On va devoir instaurer des règles de vie explicites dans l’école.

Une éducation citoyenne, comment?
-Il faut des règles
-Il faut les construire collectivement avec les élèves
Le règlement intérieur (celui qui gère les relations dans l’école et non l’administratif) est une affaire collective, dès l’école maternelle. Les interdits doivent être explicitement produits par les élèves, ce qui permet de voir jusqu’où ils résistent!
Dans le projet d’école devrait figurer la construction du règlement intérieur (éducation citoyenne, langage oral, production d’écrit,...).
Cela suppose la mise en place d’une petite république. Il faut construire de la représentativité, de l’assemblée (avec échanges et débats).
Au cycle 3, on peut travailler sur le style injonctif à partir du règlement intérieur. On peut également comparer avec les règles de vie dans la rue.
Il faut que ce règlement fonctionne. L’école, qui a construit sa loi, doit accepter cette loi. L’adulte en est le garant: “ça, c’est possible, ça non”. On doit faire référence au droit pénal et à la loi de la République.
La mise en place de la régulation peut prendre une heure par semaine (le samedi par exemple). C’est un temps avec les délégués, un conseil de classe avec régulation collective. C’est un temps de débat avec ses règles:
1-j’écoute
2-je régule ma parole en fonction de l’objectif
3-je participe au débat (sans imposer ma parole!), c’est à dire j’articule ma prise de parole sur celle des autres.
La régulation de la communication est un dispositif pour réguler la vie sociale.
Il faudrait vérifier que ce temps de parole figure dans l’emploi du temps, car on est dans la constitution de compétences de haut niveau à travers ce travail.

3-L’ACQUISITION DU LANGAGE
-A L’ECOLE MATERNELLE

Trois problèmes sont à résoudre des plus jeunes aux plus vieux:
1- permettre à l’enfant d’entrer dans le langage humain et dans la langue de sa communauté.
Pour cela, il faut que ses récepteurs soient intacts, c’est à dire qu’il entende bien quand on lui parle (que son cerveau analyse le langage qu’il entend autour de lui). Il lui faut un langage efficace autour de lui, c’est à dire un langage compréhensible. Il faut qu’il comprenne ce que ça veut dire: le langage est décodé comme une série de signaux dont la situation vécue rend compte. Donc, il faut qu’il se passe quelque chose et il faut du langage lié à ce qui se passe. Il faut agir, créer des situations d’actions et parler, “noyer l’enfant de langage dans l’action”. Il faut que l’objet de communication soit important (et non parler pour parler, parler pour ne rien dire!).
Les défauts majeurs des enseignants sont les suivants:
-l’enseignant fait parler l’enfant ou le questionne au lieu de lui parler.
-on parle à l’enfant sans agir donc ces paroles sont sans signification.
-La situation de bilinguisme est toujours à valoriser, ne pas faire comme si la langue maternelle n’existait pas.
Il faut nourrir en situations d’expériences: mettre l’enfant dans une situation réelle d’oral, c’est de celle-là dont il a besoin! être spontanément dans l’oral; ancrer le geste dans l’oral (“viens par là” + geste)

2- permettre le passage du langage de l’action au langage de l’évocation (on entre enfin dans l’école! l’enfant de deux ans n’est pas vraiment à l’école...)
L’école est le lieu où l’on parle de ce qui n’est pas là. Elle permet à l’enfant d’entrer dans la culture dans son entier. Elle ne s’appuie pas sur la connivence du langage commun: on va dire ce que l’autre n’a pas dans la tête, évoquer des représentations différentes de l’autre.
Exemple avec “il”:
-“maîtresse, il m’a poussé!”, “il” est celui qu’on regarde ensemble.
-“le petit poucet, il...”, “il” est le premier substantif masculin singulier que j’ai énoncé auparavant.
Sans étayage, ce n’est pas possible. Le nouveau langage est structuré différemment et fonctionne avec une autre syntaxe, une autre structure, un autre contexte. Dans l’exemple donné, on a un texte dans le premier cas, des énoncés à articuler dans le second.

On va rassembler l’information en jouant sur la temporalité. Il va falloir entrer dans ces éléments avec un appui permanent de l’adulte, avec une interaction maximale:
- Pour bien doser l’effort, il faut bien observer et repérer les enfants qui en ont le plus besoin: tenir un tableau de bord journalier avec une feuille par enfant et ce qu’on a repéré sur son évolution (de la MS au CP), ce qui est un bon outil d’observation.
- Dans l’organisation de la classe, il faut prévoir deux types de situation
* la situation de rappel sur le vécu commun: on a vécu quelque chose, on va le rappeler collectivement (ce qu’on a fait avant la récréation, le matin, la veille,...). Dans cette remémoration du passé, on fait varier deux paramètres: la distance (aujourd’hui, hier, il y a un mois,..., avec en jeu le travail de la mémoire) et l’expérience partagée (l’imaginaire n’arrivera qu’en second, avec le travail sur l’album où l’on fait reformuler et où l’on voit ce qui n’est pas compris: les oublis, les contre-sens,...)
* la situation de projet: on va dire quelque chose et on va essayer de l’anticiper. Le projet est l’anticipation d’une expérience et non du néant! Il faut au préalable un vécu commun, le projet étant le réassemblage du vécu partagé.
Il faut donc des ingrédients. Le langage nouveau, c’est le lexique. Le lexique, c’est l’expérience parlée. Il faut avoir des mots pour dire (et on revient à l’expérience pour fixer le lexique). Peu à peu le lexique s’autonomise de l’expérience.
Raconter une histoire est très élitiste. Il faut construire l’expérience de l’émotion littéraire (exemple pour “le petit Poucet”: perte + il est plus malin que ceux qui l’ont perdu). “Le petit poucet”, du 17° siècle, ne représente rien pour l’enfant d’aujourd’hui si l’adulte n’est pas là pour l’accompagner et constituer cette émotion littéraire avec des images (“chaumière” avec image sur le livre,...).
Sur un conte ou une histoire, il faut faire un bilan à propos des élèves qui décrochent, en parlant à l’enfant pour essayer de comprendre ce qui l’a fait décrocher. La reformulation immédiate est essentielle. C’est par le dialogue et la construction dialoguée que se construit ce que les élèves ne savaient pas. Le dialogue permet de:
-construire des représentations
-corriger des représentations quand elles sont erronées
-structurer les codes
-donner du lexique.
C’est parce qu’on discute qu’on peut ensuite raconter des histoires. (ex. “le voyage de Gulliver” raconté à une enfant de CE2 par son grand-père: spontanément on remplace le lexique, on transforme la syntaxe,..., on demande “qu’est-ce que tu as compris?” et on dialogue!)
Ce dialogue devrait se faire de la PS au CM2.

Au bout de ce cheminement, on passe du langage d’évocation oral au langage d’évocation écrit: “ça, ça ne s’écrit pas, je ne peux pas l’écrire, transforme”... il faut surcoder: syntaxe, lexique, ponctuation,... pour que celui qui lira puisse comprendre. Il va y avoir passage progressif à une anticipation de la lecture.
La dictée à l’adulte devrait avoir lieu jusqu’au CM2. Dès qu’on est en situation où l’on va travailler avec l’enfant l’élocution, on va l’amener à parler du langage écrit (chaque fois qu’on aborde un nouveau type de texte, un nouveau thème,...). Le résumé au tableau, qui sert à garder une trace, doit être fait avec les élèves.

3- permettre le passage à la lecture, c’est construire le principe alphabétique.
Le système de codage de la langue, le code ne se fait pas au niveau du mot, ni de la syllabe mais au niveau du phonème qui par définition n’existe pas. Le phonème est une production, une construction du passage à l’écrit. Ce qui existe, ce n’est même pas le mot mais c’est l’énoncé, ce qui suppose une segmentation de l’oral. Dès la MS on va envisager une segmentation progressive de l’oral avec des points d’appui sur la syllabe, que l’on peut faire exister physiologiquement grâce à la voyelle, voyelle qui existe en elle-même alors que la consonne n’existe pas en elle-même. Comment? -en séquençant la chaîne orale pour y retrouver des unités plus petites que l’énoncé telles que le rythme (donc problème de musique). Il faut faire exister la syllabe. On arrive aux phonèmes par comparaison à travers les rimes que l’on va faire fonctionner. Jouer avec les rimes et le rythme, c’est construire les bases de la lecture (d’où l’importance de la poésie, des comptines, du chant). La poésie devrait appartenir au domaine de la musique car c’est un problème de rythme et de rimes. A propos de la poésie, elle ne se dit pas individuellement face à la classe (cf choeurs antiques!), elle devrait se dire à plusieurs, ce qui réduirait tous les problèmes d’émotion.
Au CP, on devrait beaucoup travailler la langue orale et construire le code, le principe alphabétique (et surtout ne pas visualiser les formes de mots, les mots n’étant pas des images!)
Le sens est une chose: la compréhension est un travail du langage. La lecture, le code est une autre chose.
Le travail de compréhension qui se fait généralement en classe sur la lecture n’est pas d’un grand intérêt puisqu’il n’y a rien à comprendre, il n’y a pas d’idée, pas de problème. La compréhension, ce sont des idées, c’est un message à comprendre. Dans les évaluations, la compréhension est la même à l’oral qu’à l’écrit, ce n’est donc pas un problème de lecture.

-A L’ECOLE ELEMENTAIRE

Tous les matins à 8h30, l’enseignant devrait lire une histoire et en discuter avec les élèves: “qu’as-tu compris de ce que j’ai lu?”. La seule pédagogie, c’est l’interaction!
Il faut développer l’attention à l’oral pour que les élèves aient accès à la complexité des textes, avec dialogue sur le sens (dans les fichiers, il y a peu de questions sur le sens des textes. Ce n’est pas en demandant la couleur du cheval d’Henri IV qu’on va accéder au sens du texte! Seul l’échange oral permet de le construire). Le rôle central de l’école est de permettre, à travers ce dialogue, de partager une communauté d’interprétation. L’école fait partager le sens de notre société, le sens de ses valeurs. C’est l’échange qui constitue le sens du monde. D’où l’importance du choix des textes dont la progression est à construire par cycles. La pédagogie de l’album est à continuer jusqu’au CM, mais attention de ne pas passer tout son temps sur les première et quatrième de couverture!
La lecture à haute voix, c’est d’abord l’activité de l’enseignant (jusqu’au CM2!). Il faut parler les textes, il faut se donner les techniques pour bien oraliser les textes.
La lecture à haute voix des élèves: un enfant dit le texte à haute voix pour pouvoir en parler. La diction des textes, c’est autre chose, c’est un texte qu’on connaît presque par coeur, dont on a la partition. Il faut absolument en faire en cycle 3.

4-LIRE ET PRODUIRE DE L’ECRIT

Que faut-il construire pour apprendre à lire à l’enfant?
1) l’accrochage entre l’oral et l’écrit au niveau grapho-phonétique: On n’apprend pas à lire en collectionnant des mots, il faut apprendre la combinatoire. Pour cela, deux façons:
-tout ce qui conduit à un bon séquençage de la chaîne orale: dans le langage il y a des unités plus petites que l’énoncé, la syllabe par le rythme, le phonème par la rime. Le mot est une réalité beaucoup plus délicate, qui n’a de réalité qu’à l’écrit. A partir du moment où on manipule le lexique, on manipule bien le mot quand on sait lire. La lecture apprend le mot. Nous apprenons à lire en nous appuyant sur la fécondité des dérivations (“charrette”, “charretier”, on sait passer de l’un à l’autre, “ier” va se retrouver dans des dérivations du même type).
-reconnaître un mot c’est associer le bruit qu’il fait et l’ensemble de significations dans un énoncé. Lire un mot, c’est le comprendre. Pour pouvoir lire un mot, il faut que j’arrive à évoquer en le voyant la représentation mentale qui est stockée dans mon cerveau (du côté du centre des auditions), à retrouver sa réalité auditive pour pouvoir l’évoquer et évoquer sa signification. Le problème des dyslexiques est un problème de connexion entre le centre des auditions et de la vision. Lire, c’est reconnaître visuellement un mot pour que l’enfant puisse le retrouver automatiquement dans son lexique mental.
Chez l’enfant, “parler, c’est comprendre” (et non “lire, c’est comprendre”!)
Le lecteur expert, n’a plus besoin de dialoguer pour comprendre. Le dialogue va seulement donner des pistes d’entrée: on va pouvoir entrer dans un domaine non familier et on va s’auto-éduquer sur ce domaine qui va devenir familier (on y entre accompagné).
Le problème de la lecture, c’est de retrouver avec ses yeux le lexique mental qui a été engrangé avec les oreilles. Le lexique mental, c’est du bruit, c’est de l’oral (chez les sourds, le lexique mental est du geste. On le bilinguise, le visuel étant trop complexe pour être codé)
cf travaux d’Emilia Ferreiro.
Le type de séquençage de l’oral le plus efficace: pour inventer de l’écriture, on l’entend. En maternelle, dès la MS, on peut demander à un élève d’écrire un mot, c’est une situation-problème: quel est le code orthographique? Le codage de la parole se fait d’une certaine manière: les enfants inventent tous les codes qu’on a inventé depuis les origines:
-pictogrammes (“locomotive” est vu comme un petit mot car assimilé à sa représentation alors que “train” est vu comme un grand mot)
-système syllabique: un son = une syllabe (cf les prénoms. L’important n’est pas qu’il reconnaisse “Pierre” mais qu’il voit qu’il peut prendre un morceau de “Pierre” pour faire “Paul”). Attirer l’attention sur le mot est inutile. Ce qui est important c’est de découper le mot d’emblée pour pouvoir en faire un autre.

2) On enseigne à écrire aux enfants: l’écriture ne peut pas confondre un mot avec une image mais avec des morceaux. Il faut sortir du global en maternelle!... à remplacer par l’oral en compréhension, en évocation, en analyse de la chaîne orale. On parle de maîtrise des langages! Oral = production du langage et non de la langue. Il faut reposer le problème et trouver une autre manière de traiter le code, il faut inventer!
L’analyse de la correspondance grapho-phonétique se fait par l’écriture.

3) L’apprentissage à produire de l’écrit(de la maternelle au CM2!)
Par la dictée à l’adulte, on va passer d’un langage immédiat à un langage communicable, du langage de l’action au langage de l’évocation. Les anaphores et connecteurs (articulations entre énoncés) assurent la cohérence de l’écrit et le fait qu’il soit compréhensible.
Quand on écrit il faut gérer l’organisation de la pensée: planification, mise en mots, gestion de l’orthographe, activation manuelle,..., ce qui est très lourd pour l’enfant.
Un système efficace: on a un vécu commun, on en fait le compte rendu par le dessin (les 28 enfants vont faire 28 dessins de la même chose). Lorsqu’on affiche les dessins, on apprend à structurer en remettant en ordre, en constatant ce qui manque et on fait alors une deuxième série de dessins. On commence à parler quand tout est ordonné, alors que structuration cognitive et planification sont réglées. La mise en mots par dictée à l’adulte peut avoir lieu.
La pédagogie de la production permet l’échange de la communication car elle porte la signification du monde qui l’entoure.
Au cycle 3, l’activité de production de textes ne doit pas être limitée à la découverte des différents types de textes (“squelettes vides”). Il faut nourrir ces textes par l’histoire, la géographie, les sciences et la technologie, la littérature. d’où l’importance de ne pas négliger ces disciplines!!! Il faut nourrir l’intelligence de connaissances par ces différentes disciplines, ce que ni les leçons d’orthographe, de grammaire ou de lecture ne font. Ce qui manque souvent aux enfants de ZEP, c’est l’intelligence du monde, ce qu’apprennent l’histoire, la géographie, les sciences,...

En résumé...
Ce qui reste central, c’est la question du dialogue pédagogique, c’est à dire de cet échange par lequel on amène l’enfant à enrichir son intelligence et à construire des connaissances. On passe trop de temps à faire la leçon au détriment de construire des apprentissages. On doit être attentif aux interactions avec les enfants pour voir où sont les incompréhensions et nouer des dialogues auprès de ceux qui n’ont pas compris.

Quelques suggestions en ZEP (où le vocabulaire est pauvre par manque d’expériences culturelles et vécu peu lié à la culture dominante)
-les habituer à mobiliser leur langue, leur lexique:
“on va faire des collections de tout ce qu’on peut dire pour parler de ce qui se passe dans la cour de récréation (tous les mots ou expressions)”
On a un différentiel très important entre enfants. La difficulté est de mobiliser rapidement un vocabulaire, donc on les entraîne à évoquer des mots rapidement.
-on peut faire la même chose en maternelle avec un album (à la fin de son étude complète)
“est-ce qu’il y a un mot qui vous a plu?”
On cherche d’autres mots ou expressions qui parlent de la même chose, que l’on écrit sur des étiquettes et que l’on met dans une boîte. Quand, dans un autre album, on retrouve un mot identique, on cherche à nouveau, on vérifie dans la boîte, on rajoute les nouveaux.
-autre exemple: “et si on avait à parler de l’orage?”...
Les enfants de ZEP sont face à des scripts très courts et très pauvres (Le script , c’est ce qu’on a dans la tête, c’est l’implicite. Exemple de script: “je suis allé au restaurant -> on entre, le serveur s’avance, demande combien il y a de personnes, on répond, le serveur nous accompagne à une table,.... ). Par ce moyen, on va donner une culture langagière et du lexique. On considère les mots comme des expériences et non comme des étiquettes.

 

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Dernière modification : 05 septembre 2006